1ère partie
Passo di Bocco, Apennins, Italie.
Ciao ! Donc moi c’est Sandrine, ou SSS pour les intimes. Vu que j’habite en Italie et que les 2 Ds passaient dans le coin, j’ai pas pu manquer l’occasion, je me suis dit « tiens ! si on se faisait quelques jours à vélo ? ». Samedi ils m’ont appelée – « Demain on se retrouve à Parme ! ». Dimanche matin j’étais à Parme. Et c’est parti pour quelques jours de vélo. Donc pour changer un petit peu, aujourd’hui pour la DNews c’est moi qui pose les questions. Alors ma 1ère question : c’était super cette journée… C’est quand qu’on mange ?!
D.2 : T’as pas de souci à te faire, tu sais bien comme je mange moi, alors dès qu’on a fini la DNews on graille.
Cool ! Et l’Italie alors, vous la trouvez belle ? Qu’est-ce que vous pensez de l’accueil des Italiens ?
D.1 : Les Italiens bien sûr ils sont chaleureux, ils sont enthousiastes, et quelques fois ils sont un peu ahuris. Ca leur coupe la parole. Et des fois c’est « que bello que bello ! ».
D.2 : Les Italiens moi ils me font beaucoup de bien au moral. Pendant la traversée des Balkans j’étais un petit peu déçu, je trouvais la population très froide, et même plus : mal aimable. J’ai toujours pas réussi à admettre ni comprendre qu’on puisse ne pas retourner le sourire ou le bonjour de quelqu’un, et quand tu pédales à travers un pays et que tu as cet élan vers les gens, t’es là tu souris, tu dis bonjour, et les gens te regardent dans les yeux et t’ignorent, franchement ça casse le moral. Et t’arrives ici en Italie et les gens t’accueillent, sont exubérants d’énergie, te tapent dans le dos et te demandent d’où tu viens… super. Et puis là les Alpes Nains c’est un régal.
Les Alpes Nains… Les Apennins ! Ils sont pas si petits que ça ! Et le pays alors, vous avez regardé l’architecture, les villes, la nature, ça vous plaît ?
D.2 : On a pas mal tracé, mais comme c’est l’été il fait très chaud et c’est difficile de rouler entre 12 et 16 heures alors on a pris l’habitude de rester dans des villes faire notre pause – on est passé par Vicenza et Mantova par exemple. On a pris le temps de visiter les centres des villes. Super impressionnant. Après tout le temps passé en Asie, c’est presque un choc. Je me dis tout le temps « on est à l’endroit le plus vieux du monde ». Tu as l’impression que l’Histoire te regarde à chaque coin de rue. Ca me plaît beaucoup. Bon on a pas approfondi la chose non plus – on avance. On profite mais on avance.
Vous avez fait un sacré voyage… content de rentrer ?
D.1 : Oui, pour être content, on est même tellement content qu’on a le feu aux fesses. On fait plus de 100 kilomètres par jour…
D.2 : Pendant 2 ans on tournait à 60 bornes et là on fait 110, 120…
D.1 : On a l’impression qu’en tendant le bras on serait en France alors on avale les kilomètres. On profite du spectacle. Ici c’est très beau – la plaine c’était particulièrement inintéressant – industriel et plat. Mais sinon beaucoup de plaisir et puis on a la condition physique…
Ah ça ! pour avoir la pêche vous avez la pêche ! Vous allez en profiter de cette forme, faire des compétitions ?
D.1 : Noooooon.
D.2 : Ouuaaaiiis !
(ils se regardent)
D.1 : On va quand même faire autre chose que du vélo ?
D.2 : Ouaip. C’est vrai qu’on a plein de trucs à faire qui sont pas cyclistes…
D.1 : Piscine, escalade, ski…
D.2 : Rando, guitare, prendre des vraies douches…
D.1 : Des bons plats…
D.2 : Mais je caresse l’espoir d’emmener Delphine faire du raid un de ces 4 parce qu’avec la patate qu’elle a…
D.1 : On en reparlera.
D.2 : On en reparlera…
Et l’arrivée en France c’est pour quand ?
D.1 : Dans 3 jours.
D.2 : Et c’est pas le tout d’arriver en France. Parce que c’est surtout l’arrivée à Grenoble qui nous intéresse. On a consulté les oracles pour déterminer qu’on serait, le dimanche 27 juillet à 14 heures, au début du cours Jean Jaurès. Attention c’est hyper précis. On invite tous les gens qui nous ont suivis à venir faire les derniers kilomètres à vélo avec nous.
D.1 : On attend un max de personnes aux portes de Grenoble. A vélo bien sûr. Idéalement. Mais venez tout court ça nous fera plaisir.
D.2 : Mais attends, tu vas pas t’en tirer comme ça, la Misss. Parce que j’aimerais savoir moi quel effet ça te fait de rouler avec nous et comment tu trouves le voyage à vélo.
J’suis super contente de rouler avec vous, de participer à un petit bout de l’aventure. Surtout que j’étais déjà là pour les 1ers jours. Ca me fait très plaisir. J’ai pas hésité à lâcher toutes mes activités, tout ce que j’avais prévu, quand vous m’avez appelée. J’ai foncé acheter un porte bagages, j’ai tout foutu dessus en vrac pendant la nuit, et go ! pas de raison. Bon j’espère que ça va tenir tout ça quand même…
Merci à notre caméra-woman tous terrains, SSS
Morceaux Choisis
« Ca fait combien de temps que vous êtes sur la route ?
– Un peu plus de 2 ans.
– Noooooon ? Avec ce train là ?
– Oui. Et là on rentre à la maison.
– Ah ! Bah il serait temps hein ?! »
– L’incrédulité italienne, vol. 1
« Vous allez où ?
– A Rapollo.
– Bah c’est là en bas. Au bout de la route. Et là le grand truc bleu… c’est la mer. »
– Un vieux serviable sur les Apennins
« Ca fait combien de temps que vous êtes sur la route ?
D.1 – 2 ans.
– 2 semaines ?
D.1 – Nan. 2 ans.
– Ouaiiiis c’est ça… vous avez fait quoi alors, le tour de la région de Venise ?
D.1 – Nan on vient de Grenoble.
– Ah ? et ça vous a pris combien de temps ?
D.1 – 2 ans et 4 mois.
– ???
D.2 – Elle raconte pas de blagues, on revient d’un tour du monde là. 2 ans et quelques mois.
– … [complètement sans voix] »
– L’incrédulité italienne, vol. 2
(on en a plein comme ça en stock…)
2ème partie – Jeudi 16 Juillet 2008
Menton, France. Un banc sur le bord de mer.
D.2 : Bon alors je te dis comment je me sens, à chaud comme ça. J’ai l’impression que tout l’environnement me parle. Tous les signaux, les publicités, les devantures de magasins, le fait que ce soit écrit en français, ça m’attire l’œil, je suis toujours en train de regarder partout, j’ai l’impression que tout a été écrit pour moi.
D.1 : Tu te sens concerné… pour une fois.
D.2 : Comme si c’était exprès pour moi, juste pour moi. Donc je ne sais plus trop où donner de la tête, j’observe. Et j’observe aussi parce que je me demande comment est la France aujourd’hui. C’est comme retrouver un vieux pote que j’ai pas vu depuis très longtemps, que à une certaine époque je connaissais très très bien et là je suis en face de lui et je me demande s’il a changé, si j’ai changé, si je vais pouvoir retrouver mes repères, si on est toujours.
D.1 : potes !
D.2 : Ouais si on est toujours potes. Je me sens comme à l’affût du moindre détail qui aurait changé, celui qui serait resté constant, c’est presque de la défiance quelque part. C’est-à-dire au-delà de l’euphorie de se dire je suis de nouveau sur le territoire français. Je réalise pas vraiment en fait. Je sais pas si tu réalises qu’on est revenu toi.
D.1 : Si, moi, je réalise par contre. En fait je suis en décalage par rapport à toi, j’ai l’impression que tu as ces réflexions là qui vont venir avec le temps, c’est-à-dire en revenant dans la société française mais là pour l’instant, moi j’ai que l’euphorie : j’entends les gens parler français, tout est écrit en français, je peux parler avec les commerçants… Ca fait une heure qu’on est là, c’en est presque amusant, si simple finalement ! Et la question de est-ce que je vais me reconnaître dans cette France, est-ce que je vais reconnaître la France que j’ai quittée, est-ce que mon regard aura changé, ça ce sont des réflexions que je laisse pour plus tard. Aujourd’hui je ne me les pose même pas.
D.2 : Ca doit être bizarre de manger un bon sandwich, fait avec une bonne baguette, style parisien.
D.1 : C’est beaucoup d’émotions dans ce sandwich. Il faut le dire. Parce qu’ils faisaient des bonnes pizzas en Italie, mais pour le pain, vaut mieux passer la frontière quand même. Y’a pas de doute.
D.2 : Le bonheur de pouvoir converser en français avec les commerçants… Quoique l’amabilité ici sur la côte d’azur c’est pas la qualité la mieux partagée.
D.1 : On verra, mais à priori les endroits touristiques c’est jamais les endroits où les gens sont les plus chaleureux.
D.2 : Non mais pour autant, comme on disait dans les Balkans, ne pas rendre un sourire, ne pas répondre à un bonjour, éviter de croiser le regard quand on sent qu’il va y avoir un contact, c’est des choses que j’ai du mal à comprendre. Peut-être que j’ai un ego surdimensionné, que j’aime bien qu’on nous remarque avec le tandem, et que là les gens en ont manifestement rien à foutre.
D.1 : Oui là les gens, ils s’en foutent.
D.2 : Si je vais sourire et dire bonjour à quelqu’un et que la personne m’ignore royalement ça me fait quand même de la peine, un petit peu. Mais on est sur la côte d’azur, j’attends de voir l’accueil de Grenoble, j’ai quand même plus confiance en Grenoble au niveau état d’esprit.
D.1 : C’est pour bientôt !
D.2 : C’est pas mal ça, mais qu’il est fallu ajouter notre propre mayonnaise, ça fout un peu les boules.
D.1 : C’est trop cher avec la mayonnaise…
D.2 : Ca fait quand même bizarre d’être en France. Ca fait quand même pas une éternité qu’on est parti – un peu plus de 2 ans…
D.1 : Oui mais en même temps, ça fait 2-3 semaines qu’on y pense tous les jours. On était dans cette attente de retour. On est presque de retour, je dis « presque » parce que cette zone de la côte d’azur c’est pas chez moi. Ca reste la France mais je me sens pas encore chez moi.
D.2 : Ca me fait vraiment bizarre. J’arrête pas de regarder de partout. Ca fait vraiment bizarre. Ah, un nouveau pays à découvrir !
D.1 : Et oui !
D.2 : Un nouveau pays à découvrir. Le vôtre.
D.1 : A vélo, bien sûr.
D.2 : Et ouais d’ailleurs, c’est pas tout ça mais faut pédaler !
Morceaux Choisis
« Tu sais qui c’est ? c’est ma sœur. Elle revient de plus de 2 ans de tour du monde à vélo.
– Attends faut que je raconte ça ! »
– Florian, le jeune voisin (7 ans) du frère de Delfe
Initialement publié le / Originally posted on 14 juillet 2008 @ 12:28 pm