“Le Premier ministre de Norvège après la tuerie effroyable d’Oslo en 2011 avait déclaré : « Bien entendu nous ne changerons rien à ce que nous sommes ». L’inverse de notre gouvernement qui dit : « Bien entendu nous allons changer ce que nous sommes ». Nous devons choisir entre la ligne de la Norvège et la ligne de George W. Bush, qui a eu les conséquences que l’on sait.
(…)
Comment pouvons-nous lutter efficacement contre le terrorisme et l’idéologie salafiste, sans fouler les principes du droit ?
Il faut bien sûr traquer ces gens et les empêcher de nuire. Mais tant qu’il y aura la même logique à l’œuvre là-bas, il y aura les mêmes conséquences ici. Nous vivons dans un monde global. Il faut se poser les vraies questions : pourquoi Daech a-t-il autant de moyens ? Pourquoi est-ce l’organisation terroriste la plus riche au monde ? On le sait : Daech vend du pétrole. À qui ? Comment fait-on pour que cela s’arrête ? Sans cela nous continuerons à faire de nouvelles lois après de nouveaux attentats, et nous n’en sortions jamais.
(…)
Deuxième question : qu’est-ce que cherche Daech ? A convaincre de plus en plus de jeunes musulmans qu’ils sont les cibles de leur propre gouvernement. On nous parle de guerre civile, mais si la réponse aux attentats est de faire la guerre contre une partie de la population française, là encore nous faisons un cadeau à Daech, en facilitant leur recrutement. Il faut éviter de tomber dans leur piège, en dressant les gens les uns contre les autres.
(…)
Il faut aussi se poser la question : pourquoi des gens qui sont nés, ont grandi, ont été éduqué ici, peuvent se tourner vers cela ? Qu’est-ce que cela nous renvoie en terme de désintégration de notre société ? Que produisons-nous à travers les discriminations, l’absence de toute perspective d’intégration sociale, la misère et les ghettos ? A travers le fait qu’il n’y a plus de réponses politiques organisées, de colère politique organisée – qui puisse s’exprimer par des mots et par des actes collectifs, et non par une violence suicidaire ? Quand cela n’est plus possible, des gens sont tellement déstabilisés qu’ils deviennent littéralement fous et sont prêts à tuer et à se tuer. Bien sûr, cela nécessite une effroyable instrumentalisation par des gens au Moyen-Orient. Mais aussi un terrain ici qui rend cela possible.”
” (…) Même s’il est dramatique – mais pas nouveau – que les réponses apportées soient démagogiques et purement sécuritaires, même si ce que je dis est assez pessimiste, il faut se rappeler que nous avons vécu des événements encore plus terribles. Et que des gens ailleurs vivent des choses encore bien plus terribles. Daech frappe d’abord des musulmans et les populations de sa région. Nous avons eu à Paris un échantillon de ce que vivent des gens au Moyen-Orient depuis des années, à une échelle beaucoup plus grande. Cela ne diminue pas l’horreur de ce qui s’est passé à Paris, mais il faut prendre cela en compte, et trouver des solutions pour y mettre un terme.”
Article complet sur Bastamag :
Initialement publié le / Originally posted on 19 novembre 2015 @ 9:50 am