Imaginaire ingouvernable
C’est la partie drolesque de la chose. Enfin… disons qu’à 42 ans passés, je suis en paix avec mon imaginaire et je m’en amuse plus qu’autre chose. Il faut dire qu’il me joue des tours pendables.
[instantané] Je suis chez le dentiste, je n’ai pas aimé les photos dans la salle d’attente mais ce n’est pas grave, il se penche sur ma cavité buccale grande ouverte et tout en écoutant les bruits de vélos dans la ruelle de l’autre côté de la fenêtre (“tiens, cette chaîne a besoin de lubrifiant…”), un œil sur l’écran muet au plafond qui diffuse un documentaire animalier (“le loup est un animal fascinant, tout de même, en plus c’est mon animal totem…”) et tentant d’analyser les sons rendus par les ustensiles que prépare dans mon dos l’assistante (et de repenser à la chanson de San Severino sur les dentistes, “Les bourres-pâtes et les tires-nerfs”), un peu gêné par la sensation du cuir dans mon dos sur ce vaste fauteuil un peu déplacé (“mais pourquoi choisir un mobilier si inapproprié ? le cuir colle à la peau, et par ces chaleurs…”) alors que je me demande si j’ai bien mis le cadenas sur mon propre vélo (forcément, les bruits de la rue m’y ont fait penser), je me vois soudain en train de l’embrasser à pleine bouche, lui, le dentiste, et ce n’est pas le saugrenu de la pensée soudaine qui l’emporte, non, c’est la sincère interrogation : qu’est-ce que cela me ferait, d’un point de vue sensationnel, d’embrasser ce dentiste ? quel serait le goût de sa lèvre ? comment réagirait-il si là maintenant, je l’embrassais à pleine bouche ? Je ne suis pas même amusé par le caractère totalement absurde de ma pensée, je suis juste… curieux. Et oui, ouf ! Je me revois mettre mon cadenas, c’est bon. Un loup, ça peut jeûner une semaine et ensuite s’engouffrer jusqu’à 10 kilos de chair fraîche d’un coup ! Foutu cuir qui poisse. “Les seringues à élastomère, les bourre-pâtes et les tire-nerfs / Sont des trucs de dentiste propre à leur métier / Comme une voiture de police, un casque de pompier” [fin de la retransmission instantanée]
Je vis ce genre de scènes régulièrement. Dans le train, face à un gendarme qui contrôle mon véhicule avec zèle ou une factrice qui tarde à extirper mon courrier de sa besace, dès que je m’ennuie en fait, ce qui est très fréquent, alors mon imagination s’emballe et délire.
Et toujours, sur fond de musique.
Oui, car le silence est une sensation, un état, qui ne fait pas partie de mon quotidien. Je ne connais pas le silence, j’ignore ce que c’est. A tout instant, mon esprit est en musique, comme un jukebox éternel, avec les airs duquel dansent mes pensées arborescentes. Dans ma tête, ce n’est jamais calme, posé, muet. Jamais. Il s’agit souvent de musiques que j’apprécie mais tout autant de musiques que j’invente et ma grande frustration est mon incapacité à les retranscrire sur le papier.
Initialement publié le / Originally posted on 28 avril 2021 @ 3:41 pm
Merci Damien, j’ai adoré ton article ! Je trouve vraiment génial ton approche descriptive, sans filtre, drôle. Mais du coup, je me pose plusieurs questions. Je me suis en partie reconnue dans la description (et quelque part, ça fait du bien), sauf que je me sens à l’opposé de toi dans ce que j’en fais. C’est-à-dire :
– Je médite pour mieux contrôler ces pensées qui partent dans tous les sens
– Je m’oblige à faire une chose à la fois, même si c’est dur (ref. Exemple atelier, je suis exactement pareil !) Mais je vais me “forcer” à traiter les choses dans l’ordre, même si c’est difficile.
– Je cherche à rentrer dans le moule, à rentrer dans les codes.
Du coup, quelle est la bonne solution ? Je dirai, celle qui ne nous fait pas souffrir 🙂
Et là, je suis arrivée à un point où je ne supporte plus ces moules, ces carcans… Alors il faut oser être soi, et ça passe par retrouver qui on est. Pas facile !
J’ai également une question : as-tu connu un moment”dépressif” dans ta vie, ou justement tous ces effets t’on submergés d’un point de vue négatif (injustice, problèmes de société, incompréhension de notre mode de vie en société qui paraît une aberration, perte de sens totale au travail…).
En tout cas merci pour ton partage.
Salut ! Merci pour ton retour 🙂
Je te rejoins, la bonne solution est celle qui te fait du bien. Moi, je ne retire aucun bien à contraindre ma nature, donc je la laisse s’exprimer, plutôt en veillant à me procurer le repos et le ressourcement nécessaire – à ce titre, courir une heure dans la nature me fait autant de bien qu’une sieste ! Alors ce n’est que mon avis mais autant j’approuve la méditation (je médite – enfin c’est de l’état de conscience modifié – en courant longtemps car je ne tiens pas assez en place pour méditer assis sur un coussin) autant je me demande si te forcer à rentrer dans le moule te soit bénéfique… Quand j’ai accepté de ne plus le faire, je me suis révélé à moi-même et j’ai vraiment commencé à m’éclater dans la vie 🙂
Je n’ai jamais connu de moment dépressif, je suis un éternel joyeux/content mais comme je le dis dans l’article, j’ai précisément conscience que le gouffre est toujours là tout près et je surveille ça ; par exemple en remplissant mon existence de pépites, d’expériences, de rencontres qui me mettent le coeur en joie et compensent largement ! Pour ne pas me sentir submergé je me recentre sur moi, j’assume d’être égoïste, de me donner la priorité, pour mieux et autant que faire se peut rayonner autour de moi 🙂
Belle vie Amandine !
Coucou
Bien dit …. c’est à peu de choses près exactement ça. Je me retrouve dans presque tout mais en ne le vivant pas si facilement que toi. Syndrome de l’imposteur … les mots douance et haut potentiel
me mettent mal à l’aise. Du coup, j’essaie de rentrer dans un moule qui ne me convient pas, et quand j’en sors, ça ne convient pas aux autres. Pfff … ça reste compliqué. J’ai découvert cette “bizarrerie” en cherchant sur le net pourquoi mes 5 sens m’en faisaient baver et bim ! J’ai pris une claque (comme toi quand tu as lu ce livre). Bref on va s’en accommoder hein ….
Merci pour ce partage .
Avec joie Marie, et puis que te dire : fais-toi confiance et respecte ta nature ! Elle revient au galop quand on la chasse, tu te souviens ? ça vaut pour les chevaux et les zèbres j’imagine 😉 Bon courage et bonne rencontre avec toi – comme dirait quelqu’un, “AiMe toi et le ciel t’aidera” ah ah. 🙂
Merci…
Correctif : je sors d’un tunnel de Covid19 qui m’a non seulement fait souffrir physiquement mais également fait plonger dans une phase dépressive, brève mais intense – plusieurs jours de pensées noires, de déprime complète. Première et unique fois de ma vie que je vois les choses avec autant de détresse et amertume. Intriguant. La maladie est partie, et je suis “moi” de nouveau.
Bonjour Damien.
Merci de ce joli site.
Je prendrai plus de temps pour découvrir ces expériences, outils… cela fait du bien!
Merci merci merci!!!
Danièle
Coucou Danièle, merci pour ce gentil mot. Faire du bien c’est ma vocation, à travers des films, des écrits, des publications, des images/photos – tout ce que je peux et sais bien faire. Alors ton retour fait mouche !Bon voyage sur la Planète.D et surtout fends toi d’autres retours j’en suis très friand 🙂 Belle journée.