“Monsieur !”
L’ATSEM arbore un visage difficile à déchiffrer. C’est une belle femme, toujours calme et avenante. Et là, son sourire, que je trouve magnifique d’ordinaire, m’interroge. Y’a-t-il de la condescendance ? un air moralisateur ? je ne saurais dire.
“Monsieur, il y avait un ver dans le goûter de Luce”
C’est donc ça.
“Un ver ?
– Oui, un ver. Un asticot.
– Ah ! Vous voulez dire une mite alimentaire.
– Oui, un ver, une bête quoi.
– Pas d’inquiétude. Je stocke les oléagineux et les graines dans ma cuisine, j’achète de grands sacs, les mites sont venues avec.
– Oui, j’y ai pensé.”
Un asticot et une mite alimentaire, ce n’est pas tout à fait pareil.
L’asticot est la larve des mouches et d’autres diptères. Il est connu pour manger généralement de la chair en décomposition, les matières en putréfaction et les matières fécales. Par exemple, l’asticot de la mouche à merde, Scatophaga stercoraria, d’une taille pouvant atteindre environ 10 millimètres, qui se rencontre sur les bouses de vache, se développe en se nourrissant des larves d’autres insectes coprophages. Elle est donc carnassière. *
La mite est le gage incontestable que le foyer mange bio et végétal : les larves s’attaquent essentiellement à la farine, aux grains de céréales (blé, maïs, riz), à la semoule, aux flocons d’avoine, au muesli, aux biscuits, pâtes alimentaires et plus exceptionnellement aux fruits desséchés (raisins, figues, abricots). Elles sont capables de percer un emballage peu épais. Elles infestent également les céréales entreposées en vrac, mais seulement les couches superficielles.*
Je ne reproche rien à cette charmante ATSEM qui s’occupe de ma fille tous les jours.
Néanmoins, je m’interroge. S’il y avait eu dans le goûter de ma fille, de façon explicite, des néonicotinoïdes, des pesticides, du PCB, du chlordecone, du mercure, de l’aluminium, des mycotoxines, de l’acrylamide, du cadmium, si un produit chimique manifeste avait été renversé sur ses noix de cajou, sans doute que l’ATSEM m’en aurait alerté. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser que ces divers composants hautement nuisibles pour notre métabolisme sont régulièrement présents de façon masquée dans toutes sortes d’aliments non-bio, qui composent les goûters de presque tous les autres gamins.
Car la mite, là, elle est toute moche, on est bien d’accord, cependant elle trahit la haute qualité alimentaire de ce que je fournis à mes enfants… j’insiste. Le bio n’est pas exactement à mes yeux une panacée, en tous les cas c’est une étape nécessaire et encore insuffisante, dirais-je, mais il a prouvé son innocuité, pour ainsi dire, au regard des substances chimiques.
Donc en ce qui me concerne, je préfère affronter le doux sourire un peu goguenard de l’ATSEM et qu’il y ait des mites alimentaires dans le goûter de mes filles à sacrifier au sacro-saint emballage aluminium et à l’aliment industriel qui est dépourvu de vie comme de qualité nutritive mais qui n’est pas dépourvu de mort.
Alors, mangeons des noix de cajou, oublions l’industrie pour nous nourrir de ce qui pousse et qu’on peut croquer plus ou moins tel quel, et un jour ça sera la “faim d’un mite” !
* source Wikipedia
Initialement publié le / Originally posted on 16 septembre 2016 @ 4:54 pm